Joyau de biodiversité au cœur de l’Océan Indien, La Réunion abrite plus de 250 espèces endémiques, dont 19 plantes médicinales inscrites aujourd’hui à la Pharmacopée française.
Le savoir-faire et la pratique des tisanes, « zerbaz » en créole, sont un héritage culturel historique sur l’île qui s’est enrichi au fil des années par le métissage des populations venues de Madagascar, d’Asie, d’Inde…
Les tisaneurs réunionnais sont aujourd’hui les gardiens de ce patrimoine et de cette mémoire. Partir à leur rencontre, échanger avec eux, est une occasion unique pour le voyageur de se plonger instinctivement dans l’un des fondements de la culture réunionnaise.
À leur arrivée, les premiers habitants de La Réunion se tournent rapidement vers les plantes et les ressources naturelles que l’île abrite. En l’absence de médecine biomédicale, ils développent alors un savoir-faire et concoctent remèdes, infusions, décoctions à bases de plantes, de fruits, de feuilles pour soulager ou prévenir certains maux.
Avec la période du marronnage et la fuite des esclaves dans les hauteurs de l’île, la pratique s’étend afin de faire face à des conditions de vie difficiles et aux développement de maladies comme la variole ou la dysenterie. C’est pour cette raison que les cirques et les hauts de l’Ouest de La Réunion sont, encore aujourd’hui, les principaux lieux de cueillettes de plantes à vertus thérapeutiques.
À l’image de la culture métissée de La Réunion, l’art de la tisanerie s’est enrichi des vagues successives des populations venues d’Inde, de Chine ou encore de Madagascar qui ont participé à construire et étendre ce savoir-faire.
La pratique des tisanes fait partie intégrante de la culture réunionnaise et de l’identité même de l’île, et ce, depuis toujours. Transmis de génération en génération grâce au Tizanèr, cet art est aujourd’hui connu de tous les Réunionnais qui ont plaisir à le partager.
Vous les croiserez probablement dans l’un des nombreux marchés forains qui longent la côte Ouest, dans les hauteurs de l’île lors de vos randonnées à Mafate par exemple ou directement dans leurs tisaneries : les tisaneurs réunionnais.
Le métier de tisaneur est unique et implique un savoir-faire particulier. Il connaît les bienfaits et les propriétés de dizaines de plantes médicinales, il sait comment les faire sécher sans en perdre les vertus, et comment les mélanger afin d’obtenir une tisane adaptée et sur-mesure. Il détient le secret des bons lieux de cueillette et la période exacte de récolte en fonction de la lune.
En utilisant la feuille, la fleur, la graine, parfois le bourgeon ou encore l’écorce, la pratique de la tisanerie exige une fine connaissance de la biodiversité réunionnaise dans son immensité et, avec pas moins d’une centaine de préparations différentes, une mémoire infaillible !
À la fois gardiens de la mémoire réunionnaise et détenteurs des nombreux secrets de la nature, partager quelques instants avec ceux qui exercent probablement l’un des plus vieux métiers de l’île, c’est se plonger instinctivement dans l’histoire de La Réunion, sa culture, sa biodiversité et toutes les facettes qui forgent son identité depuis toujours.
Si l’art de la tisanerie existe depuis plusieurs centaines d’années sur l’île de La Réunion, la médecine douce rencontre aujourd’hui un véritable engouement et de plus en plus de gens se tournent vers ces remèdes naturels.
Médecins et pharmaciens de l’île s’intéressent de plus en plus aux résultats probants des quelques Tizanèrs encore en activité et à l’efficacité de certaines plantes et savoir-faire empiriques.
Aloès, Géranium Rosat, ou encore Bois de reinette… que ce soit pour soulager, pour prévenir, ou simplement pour son effet détoxifiant et apaisant, l’art de la tisanerie a de multiples vertus qui sont ainsi prouvées.
Certaines plantes sont régulièrement présentes au cœur même des jardins créoles et sont bien connues des Réunionnais pour leurs bienfaits, comme l’Ayapana pour soulager des maux d’estomacs, le Ti Baume pour réduire la fièvre, ou encore le Kaloupilé contre l’hypertension.
Les possibilités et les vertus sont immenses. C’est pour cela que le tisaneur conseille, accompagne et adapte toujours sa pratique et ses préparations en fonction de son interlocuteur et de ses antécédents. Une autre bonne raison de venir à leur rencontre.
Les tisanes de La Réunion sont préparées en infusion, en décoction ou en macération.
- L’infusion : Préparation liquide buvable, obtenue par l’action de l’eau bouillante sur une substance (souvent une plante) dont les principes solubles actifs se diffusent dans l’eau par macération.
- La décoction : À la différence de l’infusion, la décoction s’applique le plus souvent aux extraits les plus durs des plantes comme les racines ou l’écorce qui sont coupées, fractionnées, puis placées dans l’eau froide. Le mélange est porté à ébullition et maintenu à température entre deux et quinze minutes, puis refroidi avant d’être filtré.
- La macération consiste à laisser tremper un végétal dans l’eau froide, de l’huile ou de l’alcool pendant plusieurs heures, jours, ou semaines.
Photos et Texte : Happei